Bruno Ruiz / L’étau sensible

Un jour, il y a bien longtemps, je suis sorti de moi, de ce grand pays du silence. J’ai pris la route des mots pour embrasser l’univers avec vous, pour étreindre vos paysages, renverser des barrières, ouvrir des vannes, fleurir des jardins, crier l’inutile. Jamais je n’aurais cru semblable lumière dans vos yeux, tant de secrets dans vos enfances, de fleuves aux poèmes, d’espérance à vos genoux qui ne fléchissaient pas. Je m’approchais de vos îles sans vraiment les atteindre et je me nourrissais de vos viandes dans les poitrines du soleil. Et puis j’ai appris que tout meurt. J’ai accepté de vivre entre les mâchoires d’un étau sensible. Je me souviens aujourd’hui de ce qui nous lie à la terre et à toutes notre histoire commune. J’essaie d’oublier que j’attends. Mais de savoir que nous sommes les enfants d’une même langue partagée me rend plus que jamais vivant à l’œuvre infinie des hommes.

Bruno Ruiz, 2017
Photo : Bruno Ruiz

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